La touche d'humour : Une petite blague sur les banquiers

Devant sa banque, un trader gare sa Porsche
flambant neuve, histoire de frimer devant ses collègues.
Au moment où il commence à sortir de sa voiture,
un camion arrive à toute allure et passe si près qu'il arrache
la portière de la Porsche puis disparaît aussi vite.
Le trader se rue sur son portable et appelle la police.
Cinq minutes après les flics sont là .
Avant même qu'un des policiers n'ait pu poser
la moindre question, le trader commence à hurler :
"Ma superbe Porsche turbo est foutue.
Quoi que fassent les carrossiers, ce ne sera plus
jamais la même !
Elle est foutue, elle est foutue !"
Quand il semble avoir enfin fini sa crise,
le policier hoche la tête avec dégoût et dit :
"C'est absolument incroyable à quel point,
vous autres banquiers, vous êtes matérialistes !
Vous êtes si concentrés sur vos biens que vous ne pensez
à rien d'autre dans la vie."
"Comment pouvez-vous dire une chose pareille à un moment pareil, sanglote
alors le propriétaire de la Porsche.
Le policier répond :
"Vous n'avez même pas conscience que votre avant-bras gauche a été arraché
quand le camion vous a heurté."
Le banquier regarde son bras avec horreur et hurle :
"Et merde, ma Rolex !"

Convergence IAS 14/SFAS 131: avantages et renoncements

L'IAS Board a récemment déclaré son intention de faire significativement converger la norme IAS 14 vers la norme SFAS 131.


Jean-Luc Siruguet
*Responsable des missions IAS et Bâle II
Finabanque

Rodolphe Belli
*Chef adjoint du service Comptabilité et Budgétisation, Responsable du projet IFRS/IAS
Banque et Caisse d'Épargne de l'État Luxembourg
Vincent Dubois
*Contrôlleur de gestion
Banque et Caisse d'Épargne de l'État Luxembourg

Convergence IAS 14/SFAS 131:

avantages et renoncements

L'IAS Board a récemment déclaré son intention de faire significativement converger la norme IAS 14 vers la norme SFAS 131.

Une des raisons principales de la déclaration de l'IAS Board réside dans l'avantage que procure le principe de primauté de la management view sur l'approche plus normative retenue précédemment. Il s'agit ici en clair d'aligner le reporting financier externe sur le reporting interne, et non plus d'imposer une convergence des reportings interne et externe sur des principes qui seraient valables pour toutes les entreprises. Cette évolution touche, en premier lieu, la définition des segments d'activité, mais également leurs principes d'évaluation ainsi que les éléments à publier sur ces segments. Parmi les éléments de motivation retenus par le Board, on trouve le fait que la norme SFAS 131 donne aux analystes la vision du management et non un reporting élaboré spécifiquement pour l'extérieur : le principe de transparence trouve ici toute son importance. Par ailleurs, la norme américaine réduit le coût d'obtention de l'information, ce qui est conforme à l'esprit des IAS, le coût de l'information devant être inférieur à l'avantage qu'elle procure...
Pourtant, la norme IAS 14 comprend, dans ses principes, des leviers qui apportent des bénéfices importants, non seulement aux analystes financiers, mais également aux régulateurs et au management des entreprises. L'esprit de ce texte est en effet marqué par deux fondamentaux très importants : la "déconsolidation" des comptes (qui s'articule autour d'une segmentation définie par des activités ayant des profils rentabilité/risque homogènes), et la valorisation des segments (qui s'appuie sur la notion de valeur de marché, principe par ailleurs présent dans toute la logique des IFRS/IAS).

NORME IAS 14: DES APPORTS MULTIPLES ET STRUCTURELS

Alors que l'opérabilité oriente le reporting interne vers une segmentation selon la structure opérationnelle telle qu'elle préexiste, la notion de profil rentabilité/risque (R/R) cohérent engendre une question fondamentale sur la qualité de l'organisation et du pilotage : quel est le facteur qui génère des différences de R/R dans l'activité de l'entreprise ? L'organisation est-elle adaptée pour y répondre? Cette préoccupation correspond de fait à une problématique de management stratégique, voire de corporate gouvernance qui est au coeur de la mission de la direction. Dans le cas d'une banque universelle, l'analyse conduit à retenir qu'une segmentation basée sur le type de client répond très bien au critère de R/R. Dans ce cas précis, la vision du reporting s'oriente par marché et donc fournit un instrument de pilotage stratégique ex-post adapté : un marché, une stratégie, un risque et une rentabilité... Cette correspondance n'est nullement le fruit du hasard, tant l'objectif stratégique d'optimisation du profit (ajustée par le risque) de la banque nécessite le découpage de l'activité entre métiers aux profils R/R cohérents. Certains analystes financiers plébisciteront cette approche, le prix d'un actif étant on ne peut plus dépendant du couple R/R qu'il renferme. L'argumentation qui consisterait à retenir que le prix d'une action bénéficie entre autres de la transparence du management qui ressort de la publication de son reporting interne avec la segmentation qu'il a lui même choisie paraît trouver à ce titre une limite : cette approche est valable à condition que l'organisation interne soit optimale...

MOUVEMENT DE DÉCONSOLIDATION

Observons par ailleurs que dans l'industrie bancaire européenne, un mouvement de réelle déconsolidation est en train de s'opérer avec la mise en commun et/ou l'outsourcing d'activités aux profils R/R liés à l'effet de taille (industrialisation de back-offices Crédits, Titres, ou Paiements, développement de banques monoactivité, etc.).
L'orientation de la norme vers la valorisation des segments au prix du marché (ce qui devrait se refléter dans les prix de cession interne des prestations entre segments) est la conséquence indissociable de la segmentation à R/R cohérents: sans une évaluation des revenus et charges correctes des segments dans une situation d'indépendance simulée, il n'est pas possible d'obtenir un rendement utilisable et signifiant pour mesurer les couples R/R. Cet élément engendre un autre effet positif pour la gouvernance de l'entreprise : la normalisation du contrôle de gestion. Un tel système aboutit d'une part à publier des données de très bonne qualité, normées et auditables du contrôle de gestion et, d'autre part, à se détacher des conventions arbitraires pour évoluer vers des méthodes les plus proches possibles de la logique de marché, et enfin à s'orienter vers une écriture stratégique: Raroc (Risk Adjusted Return on Capital), analyse de la création de valeur des activités... En effet, la valorisation des activités aux prix de marché conduit par extension à répondre à la question de la création de valeur par activité.

LES PRATIQUES DE RÉGULATION

Remarquons par ailleurs que l'approche "profils R/R cohérents" est tout à fait imbriquée avec les pratiques de régulation. Les accords de Bâle prévoient en effet deux éléments importants de segmentation de l'activité sur le thème du risque : le traitement du risque de crédit entre autres selon une approche différenciée ou de "masse" de la créance (qui dépend de l'encours et donc du type de client) d'une part, et la segmentation par métier qui détermine la consommation de capital au titre du risque opérationnel d'autre part. Ces deux critères comportent un élément de différenciation de clientèles assez net (distinction retail/ commercial banking, etc.) étroitement lié aux profils de rendement/risque distincts de ces activités. Le système de reporting, induit par l'application de l'IAS 14 et qui aboutit naturellement vers la détermination du Raroc et/ou du RoE par métiers, devrait donc s'appuyer sur les accords de Bâle pour exister. Ainsi, deux projets aux visées différentes et lancés dans les années soixante-dix se rejoignent sur l'importance de la segmentation clientèle dans le couple rentabilité/risque. De fait, risque et rentabilité sont par nature liés sur la plupart des marchés.
Par souci de surveillance prudentielle, le régulateur (plus que le commissaire aux comptes) a tout intérêt à diffuser une norme de gouvernance au sein des institutions bancaires et à rendre plus lisible l'activité des entreprises pour les investisseurs en dettes ou en actions.
En dernier lieu, le caractère de norme de l'IAS 14 impose des règles de présentation commune à tous, ce qui permet de réaliser des benchmarking plus aisément et de situer la rentabilité d'une entreprise sur ses différents marchés. Cela reste aujourd'hui un exercice hasardeux alors qu'il présente une vertu importante pour le système économique, que ce soit du côté des investisseurs ou de celui des dirigeants.

UN TEXTE AMBITIEUX, MAIS COMPLEXE À METTRE EN OEUVRE

Si le texte comporte un volet induit de corporate governance, l'idée d'adapter l'organisation des entreprises via la réglementation comptable est difficile à admettre. Certes, comptabilité, transparence, investisseurs et donc actionnaires sont intimement liés, mais l'ampleur des évolutions engendrées par une réorganisation des métiers est telle, que le mouvement est difficile à justifier avec un texte à portée comptable ou même de reporting financier ! Le principe de publication de la management view de la norme SFAS 131 pourrait même garantir une meilleure transparence que l'approche IAS 14. Le danger de la norme IAS est en effet de permettre à des entreprises peu scrupuleuses d'élaborer un reporting par segment à destination unique des externes, et de continuer d'autre part à raisonner en interne sur la base d'une segmentation différente. Si la norme IAS 14 impose une correspondance entre reporting interne et externe, l'affaire Enron a démontré que les possibilités de contournement existent, notamment lorsque la garantie de respect de la norme repose sur un seul agent (le commissaire aux comptes)... du moins à court terme ! L'absence de "normalisation" de la segmentation dans le texte de la SFAS est révélatrice de la confiance faite au marché en tant que régulateur : le marché privilégiant les entreprises les mieux organisées (toutes choses égales par ailleurs), une segmentation jugée inadéquate par les investisseurs se traduira par un coût du capital plus élevé pour l'entreprise, une incitation très efficace au mouvement et qui repose sur une multitude de contrôleurs.

De même, le contrôle de gestion, outil nécessaire à la production d'états financiers par segment d'activité, n'obéit pas seulement à des préoccupations purement économiques, mais recèle un aspect de management très important. Si une activité apparaît comme destructrice de valeur, il n'est pas toujours productif de le communiquer en interne de manière "brutale" : tableaux de bords commerciaux et reporting IAS ont des finalités clairement différentes.
La valorisation au prix de marché des segments d'activité reste difficile à appliquer pour de nombreux domaines. Si les échanges de capitaux intrabanque trouvent des prix de marché relativement aisément, les prestations de back-office sont plus difficiles à valoriser "objectivement", même si les créations d'entités séparées pour ces activités doivent rendre cet élément plus aisé.
De manière générale, la complexité des flux entre les différentes activités d'une banque impose des limites à l'exercice. La répartition des coûts selon le principe d'"attribution économiquement raisonnable" et le principe de coût d'obtention de l'information inférieur au bénéfice d'obtention introduisent un élément pondérateur et de bon sens dans la mise en oeuvre de la norme.
Ceci conduit à modérer la portée du texte en termes de benchmarking : les méthodes utilisées par les entreprises pour valoriser les flux internes et pour répartir les coûts peuvent être assez divergentes, même si elles restent dans un esprit de référence au marché et de signification économique. Néanmoins, ce problème paraît difficilement évitable. Le texte de la norme IAS 14 donne peu d'indications sur le point des refacturations internes pour une raison simple : il s'applique à tous types d'entreprises et le contrôle de gestion reste soumis au contexte de l'activité que l'on évalue.

L'ALTERNATIVE AMÉRICAINE

La norme SFAS 131, en privilégiant la management view, accroît la transparence de la gestion des entreprises en permettant aux analystes d'avoir une opinion sur la manière dont la direction perçoit l'activité de l'entreprise. L'approche plus normative de la norme IAS 14 impose de manière indirecte au management de s'interroger sur le bien fondé de sa vision de l'activité, au prix toutefois d'une implémentation complexe. L'approche américaine fait confiance au rôle incitatif du marché, tandis que l'IAS Board souhaite guider les entreprises par la réglementation et sur seule base du contrôle externe. Il reste à savoir si un texte comptable peut avoir cette prétention... Si, dans le monde bancaire, les autorités prudentielles jouent largement le rôle d'"aiguillon" en termes de gouvernance, le monde industriel et celui des services non financiers connaissent, avec l'IAS 14, une incitation claire à réfléchir sur l'organisation interne et sur la compréhension de la rentabilité.
L'idéal aurait certainement été d'aboutir à un compromis entre les deux approches: transparence de la management view, incitation à adopter une organisation selon des profils rentabilité/risque cohérents et coût d'obtention des informations raisonnable. La combinaison des trois facteurs est-elle seulement possible et souhaitable à travers un seul texte comptable ?

Article paru dans la Revue Banque n°678 Mars 2006